mardi 21 avril 2020

" Télérama" parle du livre d'A. Moatti sur le transhumanisme !

Nous avons, dans un message récent du blog, signalé la parution du livre d'Alexandre Moatti, Aux origine du transhumanisme. Nous avons le plaisir de voir que la Lettre de Télérama de ce jour (21-04-2022) évoque cet ouvrage :

"L’idée d’un homme supérieur court depuis le début du XIXe siècle. Mais, selon l’historien Alexandre Moatti, auteur d’Aux origines du transhumanisme, cette idéologie qui consiste à croire qu’on peut améliorer « les capacités humaines par la science et la technologie » n’est en fait qu’un idéal cynique« Le transhumanisme va au-delà de l’eugénisme tel qu’on le concevait dans les années 1930, et qui se voulait une théorie scientifique prétendant à l’amélioration collective de l’humanité par la sélection des naissances, résume Alexandre Moatti. Le transhumanisme, lui, en dénigrant les “inutiles”, combine une forme d’eugénisme qui ne dit pas son nom à une vision néolibérale exacerbée du monde. Il enjoint chacun à devenir “entrepreneur de soi-même” au mépris de toute forme, voire de toute idée de solidarité entre humains. »"

De fait, l'hebdomadaire publie un article de trois pages (pp 29-31) à cet ouvrage, qui est un entretien de Xavier de Jarcy avec l'auteur.





Les illustrations sont signées Sébastien Plassard pour Télérama,
 mais nous invitons les lecteurs à découvrir sur Internet
 des portraits d'A. Moatti plus flatteurs que l'image "trafiquée"
qui est proposée en p. 31., et que nous renonçons à reproduire ici !









dimanche 12 avril 2020

"Chant de Pâques", petit retour sur le texte de Ramuz.


Ecrit pour son petit-fils, que Ramuz surnomme "Monsieur Paul", ce texte (de 1944 ?) entraîne l'enfant au jardin pour une observation de la résurrection du monde, au printemps :

"Regarde, écoute et puis aspire, car tout l'être est sollicité : il y a ces plantes qui poussent hâtivement dans les fissures des vieux murs ; […] Et tous ces bourgeons lustrés s'exhalent, ayant avant les fleurs leur langage qui ne s'entend pas, mais qui est quand même par nous intimement perçu. Passe ta langue sur ta lèvre; elle est toute collante d'une espèce de miel ; respire la paume de ta main qui est verte : c'est la sève, la grande circulation qui est dans les troncs, dans les moindres tiges, qui raidit les germes sous terre et qui fait qu'ils percent la terre comme le menuisier une planche de son foret. Et que s'ils rencontrent une pierre, ils la déplacent, un quartier de roc, ils le fendent: frêles et faibles, tellement faibles, plus forts que tout. C'est qu'ils sont appelés au jour. La suscitation du désir est en eux. Tout est suscité, tout ressuscite, tout recommence."

Ramuz au jardin, avec Monsieur Paul...
Dans la postface de l'édition de 1993 (publiée par Séquences), Adrien Pasquali donnait à ce texte un statut exceptionnel :

"Chant de Pâques est un texte de résurrection, hors du tombeau où le langage prend son origine insituable. Texte court, éminemment singulier, ces pages ne sont pas du "Ramuz" des Œuvres complètes : parole de médiation et de révélation, parole d'inspiration et d'expérience, elle travaille certes avec des modèles élaborés par tout l'œuvre antérieur, mais elle s'en démarque radicalement par l'intention. [...] En quelques pages, nous tenons là une totalité d'un autre ordre, qui serait à elle seule comme l'autre versant de tout l'œuvre antérieur. [...] il paraît moins provocateur que stimulant de penser à l'esquisse d'un second volet d'"oeuvre complète", tout entier dans ces pages."


Rappelons que ce texte est désormais disponible
 dans la réédition de La Guêpine, 
avec une préface de Jean-Louis Pierre :




Renseignement et commandes : 



samedi 11 avril 2020

Souvenir d'une épidémie dans "Les Signes parmi nous" de Ramuz : article du "Temps", 11 avril 2020

"Quand l’épidémie inspirait Ramuz"

Le Temps,11 avril 2020, 
article de JULIEN BURRI



(Classic Image/Alamy Stock Photo)

En 1919, Charles Ferdinand Ramuz imaginait, dans Les Signes parmi nous, une épidémie qui décimait la Suisse romande. Avec Daniel Maggetti, directeur du Centre des littératures en Suisse romande, retour sur un livre phare qui sonne aujourd’hui comme un appel à rester confiants.

Fausses nouvelles et théories du complot, hommes foudroyés, angoisse galopante… 

Le roman Les Signes parmi nous, que Charles Ferdinand Ramuz publie en 1919, raconte déjà une épidémie et ses conséquences en Suisse romande. Le colporteur Caille parcourt les villages pour annoncer la fin du monde et certains croient au début de l’apocalypse. Daniel Maggetti, professeur à l’Université de Lausanne et directeur du Centre des littératures en Suisse romande, revient sur ce chef-d'œuvre visionnaire, écrit alors que sévissait la grippe espagnole et que venait de prendre fin la Première Guerre mondiale.
Les Signes parmi nous entre en écho avec la situation que nous vivons. Comment relisez-vous ce livre aujourd’hui ? C’est troublant. Malgré l’arsenal mis à notre disposition pour comprendre et disséquer la crise, nous nous retrouvons aussi démunis que les personnages qu’inventait Ramuz. […]. La société a évolué, la médecine a progressé… mais les conséquences matérielles, pratiques, des mesures qui sont prises fragilisent tout autant les individus qu’il y a cent ans.
Les personnages des Signes parmi nous cherchent à donner un sens au mal qui frappe la société dans laquelle ils vivent. Quel est le message de ce roman ? Les personnages essaient de répondre à la brutalité des morts qui se multiplient en tentant de leur trouver une explication. Les Signes parmi nous raconte le conflit des interprétations possibles. Le texte fait largement écho à l’apocalypse biblique, mais Ramuz se distancie de la lecture littérale de la Bible : elle apparaît comme un point de vue sur le monde, parmi d’autres, et n’a pas un statut de vérité.
Il est humain, lorsque des événements nous affectent, de chercher à les interpréter en les inscrivant dans une vision globale. Nous y répondons tous de façons différentes, parfois en passant à côté de la vérité, parfois en tombant juste.[…]
La possibilité de l’effondrement généralisé fascinait-elle Ramuz ? Dans son roman Présence de la mort, en 1922, plus apocalyptique encore, le Soleil se rapproche de la Terre. C’est une fin du monde programmée, presque de la science-fiction, avec la mise en scène d’une série de drames symptomatiques de la destruction du vivre-ensemble. La Guérison des maladies (1917) et Le Règne de l’esprit malin (1914) étaient davantage liés à des événements surnaturels d’ordre mystique. Dans le premier, une jeune fille possède des pouvoirs thaumaturgiques ; dans le second, une incarnation du diable arrive dans un village. Le point commun entre ces textes, c’est qu’ils explorent ce qui se passe lorsqu’une société est bouleversée et menacée. […]
[Ramuz] a-t-il été personnellement touché par l’épidémie de grippe espagnole ?
Marguerite Bovon, l’épouse de son frère, à laquelle il était très lié, meurt à la suite de la maladie. Rappelons aussi que l’Histoire du soldat, fruit de sa collaboration avec Stravinsky, n’est jouée qu’une fois: à cause de l’épidémie, le théâtre ferme après la première représentation, le 28 septembre 1918. Cela évoque la situation de nos théâtres aujourd’hui…
La peur et les menaces invisibles semblent un thème majeur chez lui…
Ramuz est très sensible à l’angoisse de la finitude, oui. Il ne croit pas à une vie après la mort, et les circonstances d’une épidémie augmentent la crainte de voir la fin arriver. Il montre à quel point les hommes sont démunis face à ce sentiment, quels que soient leur milieu social ou leur expérience… Il y revient dans des œuvres plus tardives, comme La Grande Peur dans la montagne, où le confinement touche un alpage maudit, Derborence, qui raconte une catastrophe naturelle, ou Si le soleil ne revenait pas, qui met en scène la crainte de la fin du monde dans un village valaisan.
Pourquoi Les Signes parmi nous paraît-il toujours novateur, un siècle plus tard ? Ramuz transforme la manière de concevoir et de composer un roman. Il ne procède pas selon une narration traditionnelle et linéaire, mais juxtapose des scènes, des "tableaux"; il use de l’ellipse, s’intéresse à la simultanéité des perceptions entre tous ses personnages. Le lecteur ne suit pas un héros mais découvre une société, de l’ouvrier au notable, du vagabond au paysan… Tout le monde est confronté à la peur et à la mort.
En 1905, Ramuz disait que le roman devait être un poème. Avec Les Signes parmi nous, il manifeste de nouveau sa volonté de décloisonner les genres, et accentue certains traits heurtés de son style.
Au cœur de la catastrophe que raconte Ramuz, la nature est très présente et commence à "parler" aux hommes…
En effet, le roman dépeint une relation particulière de l’homme à la nature, au moment où le monde semble basculer. Salutation paysanne, deux ans plus tard, mettra aussi en évidence le rapport d’échange et de perméabilité entre les éléments naturels et les hommes. On songe parfois à une sorte d’"animisme", même si ce terme n’appartient pas au lexique ramuzien. L’univers est doté d’une force première de vie qui se communique aux hommes, et il y a un échange vital entre eux et lui.
A la fin, la crise s’avère aussi passagère qu’un orage. Ramuz nous invite-t-il à rester confiants ? Le livre se termine sur le rendez-vous d’un couple d’amoureux, qui apparaît comme une marque d’espoir chez un auteur par ailleurs peu optimiste! Il reste une lueur, la catastrophe était une parenthèse, et non la destruction finale de l’humanité. ■

Les Signes parmi nous est paru en poche chez Zoé en novembre 2019.










Nous remercions Philippe de Koster pour nous avoir fourni ce document.

vendredi 10 avril 2020

Le cinéaste suisse Francis REUSSER nous a quittés. Il a porté Ramuz à l'écran plusieurs fois !

La Guerre dans le Haut-Pays


La Séparation des traces

Le journal suisse Le Temps annonce le décès du cinéaste et lui rend hommage, avec un article d'Antoine Duplan :

https://www.letemps.ch/culture/francis-reusser-deces-dun-eternel-rebelle

EXTRAITS :
Francis Reusser, décès d’un éternel rebelle




"Enfant de mai 1968, le cinéaste veveysan a témoigné des bouleversements idéologiques de son temps, s’est battu sans jamais fléchir contre les injustices et a su exprimer le génie de la terre romande. C’est une belle figure qui disparaît."
 "Il avait en lui une colère que les années n’ont jamais vraiment éteinte, même si, avec le temps, il a fini par s’apaiser, reniant les bistrots où l’on refait le monde jusqu’au bout de la nuit pour renouer avec les paysages lémaniques de son enfance et la culture patrimoniale. Né à Vevey, le 1er janvier 1942, Francis Reusser a été figurant à la Fête des Vignerons en 1955 et placé en institution suite à quelques frasques adolescentes. Il a fait une formation de photographe et travaillé à la Télévisions suisse romande où il chipait des bouts de pellicule pour se livrer à des premières expériences cinématographiques.
 Plus jeune d’une dizaine d’années que Tanner, Soutter et Goretta, les fondateurs du nouveau cinéma suisse, Francis Reusser est le plus emblématique de l’esprit de 68. Ses premiers films témoignent de l’ébullition contestataire de la fin des années 60. Sélectionné lors de la première Quinzaine des réalisateurs à Cannes, en 1969, Vive la mort, son premier long métrage, suit deux amoureux en rupture de ban, raille les institutions suisses, critique la société de consommation et dénonce le sexisme. Forcément vieilli, ce manifeste plein de sève fait entendre la musique d’une époque et révèle un tempérament batailleur.
 [...] Vieux lion
Au mitan des années 80, Francis le gauchiste crée la surprise quand il adapte en scope Derborence de Ramuz. Mal lu, l’écrivain vaudois est à l’époque considéré comme réactionnaire. Le cinéaste remet les pendules à l’heure : "Ramuz n’est définitivement pas un écrivain patriotique et patoisant, mais un pessimiste fondamental. Il creuse en profondeur, inscrivant dans sa terre natale des drames qui tendent à l’universel plutôt qu’au national."
 L’intelligentsia alémanique insulte l’adaptation, qu’elle qualifie de "Heimatfilm". Francis Reusser passe pour un vendu, un "marchand de soupe". Pus tard, il en rigolait : "Nous, les enfants du western, trouvons un souffle épique chez Ramuz. Il a été le premier écrivain qui nous permette d’aller dans la nature à l’époque où tout le monde filmait son coin de rue. Dans les années 70, on ne voulait pas du pessimisme de Ramuz. Qu’est-ce qu’on a pas déconné sur l’avenir radieux de la société ! En fait, ce sont ceux qui dépeignaient le cauchemar qui avaient raison." En 1998, il porte à l’écran un autre roman de Ramuz, La Guerre dans le Haut Pays.
 Pugnace, Francis Reusser n’a jamais cessé de lutter contre les injustices et les autorités fédérales. Il signe Voltaire et l’affaire Calas. Il suit une chorale suisse dans sa tournée en Palestine (La Terre promise). Lorsqu’à plusieurs reprises l’Office Fédéral de la Culture refuse de subventionner son projet d’adaptation de La Trinité, de Jacques Chessex, il se bat comme un vieux lion, monte sans peur ni reproche au créneau, traite publiquement les fonctionnaires de "lâches, de pleutres et de sans envergure". Contournant les difficultés, il réussit à tourner avec un budget modeste un aggiornamento La Nouvelle Héloïse sur les hauts de Montreux.
 Film testamentaire
C’est du côté de Ramuz encore qu’il trouve le titre de son dernier film, La Séparation des traces (2018). Dans cet essai autobiographique à la fois ludique et crépusculaire, le cinéaste revisite sa vie et son œuvre dans le cadre d’un dialogue avec son fils, Jean Reusser. Il râlait un peu quand on parlait de "film testamentaire". Lui qui n’avait pas son pareil pour capter les transparences du Haut-Lac avait d’ailleurs commencé à travailler sur La Passion Hodler.
[...] 
Dans la scène d’ouverture de La Séparation des traces, le cinéaste, après avoir mangé sur la terrasse de l’hôtel Bellevue, à Heiligenschwendi (BE), un "paniert schnitzel frites" et une meringue glacée plantée d’un petit drapeau suisse, contemple le panorama. Réconcilié, il monologue: "Ça m’irait bien que ça se termine là. Il y a de la sérénité, du paysage, de l’odeur, de la politesse, du respect…". Francis s’est éteint, à l’âge de 78 ans. Puisse-t-il avoir trouvé cette sérénité qui lui a longtemps fait défaut."

jeudi 9 avril 2020

"Aux racines du transhumanisme, France 1930-1980", par Alexandre Moatti.

Dernière publication 
d'un des membres de notre Association,
 Alexandre Moatti :







Voir la critique publiée dans Les Echos :

https://www.lesechos.fr/idees-debats/livres/le-transhumanisme-une-histoire-francaise-1192934

"Le transhumanisme, une histoire française"


A partir des années 1930, plusieurs intellectuels français ont défendu le concept d'une "nouvelle humanité", transformée par le progrès scientifique et technique. Du discours eugéniste de l'entre-deux-guerres aux rêves de cyborg des années 1970, retour sur un pan oublié de l'histoire des idées.

Par Benoît Georges

Publié le 7 avr. 2020 à 15 h 52.

L'objet : Depuis le début du XXIe siècle, le transhumanisme est à la mode. L'idée que les technologies NBIC (nanotech, biotech, informatique et sciences du cerveau) vont converger pour aboutir à un homme nouveau, capable de s'affranchir de la maladie, voire de la mort, ou de fusionner avec des ordinateurs  "intelligents" est de plus en plus présente, en particulier dans le discours des chercheurs et entrepreneurs de la Silicon Valley. Mais le concept de transhumanisme n'est ni récent, ni américain : il apparaît pour la première fois en 1937 sous la plume d'un ingénieur et polytechnicien français, Jean Coutrot. Il ne traversera l'Atlantique qu'en 1951, porté par le biologiste Julian Huxley, dont le frère Aldous écrivit Le Meilleur des Mondes.

 [...]

L'intérêt : L'ouvrage fait découvrir un pan oublié de l'histoire française des idées. Pendant un demi-siècle, l'idée que le progrès scientifique doit faire naître une "nouvelle humanité" sera portée par de nombreux auteurs à succès, du biologiste Alexis Carrel au journaliste Louis Pauwels, créateur de la revue de science-fiction  Planète en 1961, en passant par le prêtre et philosophe Pierre Teilhard de Chardin. Ce "transhumanisme à la française", dont Moatti retrace avec minutie les différents courants, les espoirs mystiques et les dérives (sur l'eugénisme en particulier), vient éclairer d'un jour nouveau les discours des prophètes actuels de  "l'homme augmenté".

mercredi 8 avril 2020

Une "surprise" de bibliophilie : édition illustrée de "Chant des Pays du Rhône", à la BCU de Lausanne

Nous remercions Céline Magrini de nous avoir fourni les références d'une vidéo qui présente un exemplaire exceptionnel de Chant des Pays du Rhône de Ramuz :

https://www.youtube.com/watch?v=m84MXFWsziw&feature=youtu.be 

 "[...] série vidéo «Étonnantes collections», le mystère des illustrations de Chant des pays du Rhône. 


 Quel est le rôle de Rodolphe-Théophile Bosshard dans la publication en 1929 de l'édition rare de Chant des pays du Rhône de Ramuz ?

Visite à la librairie d'Yves Guinchat, à Lausanne


 Avec Silvio Corsini, conservateur de la Réserve précieuse, reconstituez l'histoire qui accompagnent le texte du célèbre auteur vaudois."


Paris, Les Bibliophiles régionaux.

 Les illustrations annoncées sont "les lithographies de G. Prost d'après R.-Th. Bosshard"...
Nous laissons aux lecteurs de ce blog le soin (et le plaisir) de découvrir, avec la vidéo indiquée au début de notre message, les illustrations en question, et leur histoire...