vendredi 10 avril 2020

Le cinéaste suisse Francis REUSSER nous a quittés. Il a porté Ramuz à l'écran plusieurs fois !

La Guerre dans le Haut-Pays


La Séparation des traces

Le journal suisse Le Temps annonce le décès du cinéaste et lui rend hommage, avec un article d'Antoine Duplan :

https://www.letemps.ch/culture/francis-reusser-deces-dun-eternel-rebelle

EXTRAITS :
Francis Reusser, décès d’un éternel rebelle




"Enfant de mai 1968, le cinéaste veveysan a témoigné des bouleversements idéologiques de son temps, s’est battu sans jamais fléchir contre les injustices et a su exprimer le génie de la terre romande. C’est une belle figure qui disparaît."
 "Il avait en lui une colère que les années n’ont jamais vraiment éteinte, même si, avec le temps, il a fini par s’apaiser, reniant les bistrots où l’on refait le monde jusqu’au bout de la nuit pour renouer avec les paysages lémaniques de son enfance et la culture patrimoniale. Né à Vevey, le 1er janvier 1942, Francis Reusser a été figurant à la Fête des Vignerons en 1955 et placé en institution suite à quelques frasques adolescentes. Il a fait une formation de photographe et travaillé à la Télévisions suisse romande où il chipait des bouts de pellicule pour se livrer à des premières expériences cinématographiques.
 Plus jeune d’une dizaine d’années que Tanner, Soutter et Goretta, les fondateurs du nouveau cinéma suisse, Francis Reusser est le plus emblématique de l’esprit de 68. Ses premiers films témoignent de l’ébullition contestataire de la fin des années 60. Sélectionné lors de la première Quinzaine des réalisateurs à Cannes, en 1969, Vive la mort, son premier long métrage, suit deux amoureux en rupture de ban, raille les institutions suisses, critique la société de consommation et dénonce le sexisme. Forcément vieilli, ce manifeste plein de sève fait entendre la musique d’une époque et révèle un tempérament batailleur.
 [...] Vieux lion
Au mitan des années 80, Francis le gauchiste crée la surprise quand il adapte en scope Derborence de Ramuz. Mal lu, l’écrivain vaudois est à l’époque considéré comme réactionnaire. Le cinéaste remet les pendules à l’heure : "Ramuz n’est définitivement pas un écrivain patriotique et patoisant, mais un pessimiste fondamental. Il creuse en profondeur, inscrivant dans sa terre natale des drames qui tendent à l’universel plutôt qu’au national."
 L’intelligentsia alémanique insulte l’adaptation, qu’elle qualifie de "Heimatfilm". Francis Reusser passe pour un vendu, un "marchand de soupe". Pus tard, il en rigolait : "Nous, les enfants du western, trouvons un souffle épique chez Ramuz. Il a été le premier écrivain qui nous permette d’aller dans la nature à l’époque où tout le monde filmait son coin de rue. Dans les années 70, on ne voulait pas du pessimisme de Ramuz. Qu’est-ce qu’on a pas déconné sur l’avenir radieux de la société ! En fait, ce sont ceux qui dépeignaient le cauchemar qui avaient raison." En 1998, il porte à l’écran un autre roman de Ramuz, La Guerre dans le Haut Pays.
 Pugnace, Francis Reusser n’a jamais cessé de lutter contre les injustices et les autorités fédérales. Il signe Voltaire et l’affaire Calas. Il suit une chorale suisse dans sa tournée en Palestine (La Terre promise). Lorsqu’à plusieurs reprises l’Office Fédéral de la Culture refuse de subventionner son projet d’adaptation de La Trinité, de Jacques Chessex, il se bat comme un vieux lion, monte sans peur ni reproche au créneau, traite publiquement les fonctionnaires de "lâches, de pleutres et de sans envergure". Contournant les difficultés, il réussit à tourner avec un budget modeste un aggiornamento La Nouvelle Héloïse sur les hauts de Montreux.
 Film testamentaire
C’est du côté de Ramuz encore qu’il trouve le titre de son dernier film, La Séparation des traces (2018). Dans cet essai autobiographique à la fois ludique et crépusculaire, le cinéaste revisite sa vie et son œuvre dans le cadre d’un dialogue avec son fils, Jean Reusser. Il râlait un peu quand on parlait de "film testamentaire". Lui qui n’avait pas son pareil pour capter les transparences du Haut-Lac avait d’ailleurs commencé à travailler sur La Passion Hodler.
[...] 
Dans la scène d’ouverture de La Séparation des traces, le cinéaste, après avoir mangé sur la terrasse de l’hôtel Bellevue, à Heiligenschwendi (BE), un "paniert schnitzel frites" et une meringue glacée plantée d’un petit drapeau suisse, contemple le panorama. Réconcilié, il monologue: "Ça m’irait bien que ça se termine là. Il y a de la sérénité, du paysage, de l’odeur, de la politesse, du respect…". Francis s’est éteint, à l’âge de 78 ans. Puisse-t-il avoir trouvé cette sérénité qui lui a longtemps fait défaut."

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