jeudi 28 mai 2015

Les peintres suisses Hodler et Vallotton, évoqués par Ramuz...



L'exposition d'hiver de la Fondation Pierre Gianada à Martigny (Suisse) va se terminer le 14 juin  prochain. L'affiche et la couverture de la brochure représentent un tableau de Ferdinand Hodler, Heure sacrée. 



Ce peintre est célèbre aussi pour ses paysages, et l'on aurait pu penser que sa vision du Lac Léman eût séduit Ramuz...

Ferdinand Hodler, Le Lac Léman vu de Chexbres, vers 1904


Quelques lignes, dans L'Exemple de Cézanne, en font douter :  
"C'est ainsi que l'idée de notre lac s'est présentée à moi, et, considérant la grandeur que donne au paysage le fait d'avoir été "matière d'art", comme je le sentais dépourvu encore, notre lac, tristement vierge et exilé. Pas tout à fait, me disais-je, pourtant, puisque Hodler est venu. Mais était-ce bien Hodler qu'il nous aurait fallu ?" (Op. cit., Du Lérot éditeur, pp. 23-14).

Ramuz a un jugement sévère sur Hodler. En 1904, il écrit dans La Voile latine :
"Le sort de M. Hodler est singulier. La mode d'aujourd'hui est de le louer, comme elle était de l'attaquer, il y a dix ans. On ne comprend pas davantage, le ton seul a changé. [...]
Il peint avec des couleurs sales, malsaines et laides. Il n'est jamais aussi bon que quand il est décoloré. Ce qui l'attire, c'est l'ordonnance ; il compose, il mesure la ligne ; il dose et il pèse ; c'est un intellectuel et un raisonnable ; il est maître de lui, il fait ce qu'il veut ; ce révolutionnaire est un disciple d'Ingres! Il n'a pas de charme, ni même d'éclat ; il exhale une force sourde et pesante. On ne peut pas l'aimer, je ne l'aime pas beaucoup pour ma part. Ne manque-t-il pas un peu, pour nous, de fantaisie, de grâce et de laisser-aller ? Il est gourmé et tendu. Mais il est puissant, c'est assez." ("La VIIIe exposition nationale suisse des beaux-arts", La Voile latine, octobre 1904; repris dans C. F. Ramuz, Critiques d'art, Slatkine, 1994, pp. 32-33).




Nous renvoyons à la préface de ces Critiques d'art, rédigée par Gérald Froidevaux, pour l'analyse des réticences de Ramuz face à un art qui pourrait se dire national, "suisse" donc, et face aux préjugés de l'écrivain contre tout ce qui est allemand, alémanique, bernois... (Op. cit., pp. 16-17).




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Félix Vallotton, Baigneuse au rocher, 1911
Le jugement de Ramuz sur Félix Vallotton est plus généralement favorable, comme le montrent ces lignes extraites d'un article publié dans La Semaine littéraire (9 juin 1906) :
"Sa peinture, lisse et nuancée, généralement sur fonds plats, à peine relevés d'un coin de draperie, s'y applique avant tout à construire et à modeler. Il n'y a pas de hardiesse qu'elle ne puisse se permettre, tant sa science est grande ; elle paraît se complaire aux raccourcis les plus redoutables ; cependant elle ne fait étalage d'aucune virtuosité. Au contraire elle garde toujours cette apparence de gaucherie, je ne sais pas si j'oserais dire classique, qui vient de la subordination de la main à l'esprit, ennemi des effets faciles." (In Critiques d'art, op. cit., p. 83).


1 commentaire:

  1. Merci pour ces lignes de Ramuz autour de l'œuvre de Ferdinand Hodler. Ses propos sont sévères...peut-être parce que Madame Cellier aimait les œuvres de ce peintre ? Hodler était aussi un ennemi "des effets faciles" à mon humble avis.
    André Durussel

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