dimanche 22 avril 2018

Ramuz cité dans le "Journal inédit" d'Alain, pour "Paris [notes d'un Vaudois]"






Alain a lu Paris de C. F. Ramuz, publié par les éditions Gallimard. Il prête des qualités à cet ouvrage, particulièrement à l’attention portée au rapport Paris-Province.










« Le 24 avril 1940. Je viens de lire le Paris de Ramuz ; je ne sais quelle lecture précipitée m’avait fait mal juger cet ouvrage. Il faut que je réforme mon jugement ; car, tout compte fait, ce livre est une belle analyse par un Vaudois du rapport Paris-Province. Le sujet est grand et difficile ; il m’a tenté souvent ; je suis très bon juge de la chose. Aussitôt arrivé au lycée Michelet, j’ai eu l’occasion de faire de grandes courses dans les quartiers de Paris et de m’enivrer des différences que j’y trouvais. […] Ces connaissances m’ont permis de remarquer le point faible du livre de Ramuz ; c’est qu’il n’a pas bien vu l’ouvrier parisien, tel qu’on le trouve à la rue Oberkampf […]. J’ai quelquefois écrit sur Paris, et pour souligner l’opposition entre le quartier des rentiers (autour de l’Étoile) et le quartier des travailleurs (autour de la place de la République). Certainement cette opposition est à considérer pour la description des classes parisiennes et du jeu révolutionnaire. J’eus alors occasion de comparer ce que j’aurais voulu faire à ce qu’a fait Jules Romains, qui m’a puissamment intéressé. Pourtant je juge que Ramuz, sans essayer autant, a fait bien mieux. Seulement il est resté dans sa rue Boissonade. S’il s’était promené de quartier en quartier, il aurait découvert des merveilles (il en était très capable). […] Il y a à dire sur les Provinces à Paris ; il y a à côté de Montparnasse un quartier breton. En tout quartier de Paris, il y a un restaurant destiné aux provinciaux et tenu par des provinciaux. Ramuz n’a pas connu ces détails ; toutefois il a analysé avec force toutes les variétés qu’il a rencontrées. C’est une belle science que cette Géographie. C’est alors que l’on comprendrait comment le milieu humain forme l’homme, par le logement, par les rues, par les monuments. […]. »

(Journal inédit, édition établie et présentée par Emmanuel Blondel, Paris, Équateurs, 2018, p. 376-377).


À lire Alain, Ramuz n’a pas bien vu l’ouvrier parisien. Il n’est pourtant pas absent de Paris. L’écrivain suisse Étienne Barilier, songeant aux pages de Ramuz consacrées à la population ouvrière, parle de « l’inquiétante apparition, intra muros, de la classe ouvrière » (« Préface », in Paris, Notes d’un Vaudois, Tours, Les Amis de Ramuz, 2000, p. 7).


Gérard Poulouin

Michel Arouimi publie "Anticipations littéraires du terrorisme", Hermann éditeur


 Michel Arouimi publie une nouvelle étude :
Camus et Ramuz y sont réunis dans l'avant-dernier chapitre.




samedi 7 avril 2018

Ramuz cité par-ci, par-là... Des suggestions de lectures ?


 Notre Président, Gérard Poulouin, est un grand lecteur... Voici quelques suggestions de sa part:

W. G. Sebald

Les Anneaux de Saturne
Traduit de l’allemand par Bernard Kreiss
Actes Sud, 1999.
Édition originale : 1995.
« […] Aujourd’hui, plus d’un an après ma sortie de l’hôpital, ayant entrepris de recopier mes notes au propre, je ne puis m’empêcher de penser qu’à ce moment-là, tandis que mon regard plongeait du huitième étage sur la ville gagnée par le crépuscule, Michael Parkinson était encore en vie, dans sa maison exiguë de Portersfield Road, occupé sans doute, comme d’habitude, aux préparatifs de quelque séminaire ou à la rédaction de son étude sur Ramuz à laquelle il consacrait depuis des années le plus clair de son temps. Michael, quarante ans, célibataire, était, comme je le crois, l’un des hommes les plus innocents qu’il m’ait été donné de rencontrer. Rien ne lui était plus étranger que son intérêt personnel, rien ne lui tenait autant à cœur que l’accomplissement de son devoir, en particulier dans les conditions de plus en plus difficiles que nous rencontrions depuis un certain temps. Mais plus que par n’importe quoi d’autre, il se distinguait par une absence de besoins dont certains disaient qu’elle confinait à l’excentricité. En un temps où la plupart des gens doivent acheter sans cesse quelque chose pour assurer leur entretien, Michael n’achetait pratiquement jamais rien. D’une année à l’autre, il portait, depuis que je le connaissais, alternativement une veste bleu marine ou brun rouille, et quand les manches ou les coudes étaient râpés, il recourait à l’aiguille et au fil, y cousait lui-même une pièce de cuir. Il allait, disait-on, jusqu’à retourner le col de ses chemises. Pendant les vacances d’été, en rapport avec ses études consacrées à Ramuz, Michael voyageait à pied dans le pays de Vaud et le Valais, parfois aussi dans le Jura ou les Cévennes. Souvent, lorsqu’il rentrait d’un tel périple ou quand j’admirais le sérieux avec lequel il faisait son travail, j’avais l’impression d’avoir affaire à quelqu’un qui avait trouvé le bonheur à sa manière, dans une forme de modestie devenue de nos jours presque impensable. […] » (p. 16-17).

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* Dans Valeurs actuelles, du 22 au 28 février 2018, p. 72 :

Amaury Nauroy, Rondes de nuit,
Le Bruit du temps,
2018, 288 pages, 24 euros

“L’auteur emprunte au tableau de Rembrandt non seulement son titre, mais le point de vue de la fillette qui s’est égarée au milieu de la patrouille : en guise de mousquetaires de la milice bourgeoise d’Amsterdam, ceux qu’il voit et qu’il décrit sont de Suisse romande; Henry-Louis Mermod tout d’abord, le grand éditeur si mal connu en France, et les écrivains et artistes qu’il a publiés et défendus, Ramuz, Cingria, Gustave Roud, Philippe Jaccottet ou Jacques Chessex, cercle amical dont l’auteur se fait le chroniqueur à la fois fervent et familier”. (Ph. B.).
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  • Dans Le Figaro littéraire, 29 mars 2018, p. 8 :
“Lorsqu’on a rendez-vous pour déjeuner avec François Espéret, une seule question se pose : de quoi ne parlerons-nous pas ? Ce garçon a beau faire, tout l’intéresse : Bob Dylan, “le poète génial, l’avatar contemporain du roi David”, Louis-Ferdinand Céline et la “merveille de Guignol’s band”, Marcel Proust, le Ramuz de La Guérison des maladies, l’argot des classes dangereuses, la prière du cœur de saint Grégoire Palamas, les romans picaresques espagnols, les poèmes de Jean de la Croix, sans oublier Les Corps tranquilles, Les bêtises et Histoire égoïste de Jacques Laurent” (Sébastien Lapaque, “Le poète et les anges vagabonds”).


http://www.lefigaro.fr/livres/2018/03/28/03005-20180328ARTFIG00146-francois-esperet-le-poete-et-les-anges-vagabonds.php


Albert ALGOUD, "Les Coeurs simples", Casterman, 2017 : ce livre contient un texte de Ramuz, "Benoît"

Nouvelle information fournie par un membre de notre association, Philippe REGOTTAZ

L'illustration de couverture est celle de ZEP pour "Benoît" de Ramuz

"Dans cette anthologie où sont évoqués les "idiots, simplets, arriérés, crétins des Alpes et d'ailleurs", un texte de Ramuz : pages 132 à 144, "Benoît" (publié le 10/08/1912, dans La Grande Revue).
 Éditions Casterman, avec une illustration de Zep

NB : Les bénéfices de cet ouvrage seront reversés à "La Bonne Aventure", association d'aide aux personnes atteintes d'autisme."

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La nouvelle de Ramuz, "Benoît", est aussi publiée dans le volume 3 des Nouvelles  et morceaux, aux éditions Slatkine (2007), avec une intéressante notice de Valentine Nicollier.

En voici un extrait :
"Benoît incarne le monde de la sensibilité, opposé à celui de la raison et du pragmatisme. Ce paradigme le rapproche de la figure du poète telle que Ramuz la conçoit. Comme lui, il est perçu comme inutile, car il ne produit rien et ne gagne pas d'argent. [...]
Ce personnage de crétin, comme le nourrisson de "Symétrie", entretient un rapport privilégié avec la nature car aucun savoir ne l'éloigne d'elle. [...] Cet effet des sons qu'il produit [en imitant la mouche] n'est pas sans rappeler la force que Ramuz prête à cette "langue-geste" qu'il rêve de mettre en œuvre et qu'il définit [...] en opposition avec la langue-signe, celle des règles, qu'on apprend à l’école et qu'il estime coupée de la réalité." (Pp. 120-121)

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 Coïncidence des découvertes de nos lectures :
ce numéro de L'Histoire, n° 446, avril 2018, consacré à Sparte et à son eugénisme... contient un article très bien renseigné sur "les crétins des Alpes", pp.66-69, par Antoine de Baecque, professeur à l’École normale supérieure.






















Abendberg : ouvert en 1841 au-dessus d'Interlaken (Suisse), ce centre de soins pour enfants crétins proposait une prise en charge médicale et pédagogique