Les Amis de Ramuz pensent que rien de ce qui est poétique ne leur est étranger...
Voici donc un beau programme de colloque, proposé par Christine Dupouy :
Pierre
et Ilse Garnier, deux poètes face au monde
Pierre
Garnier vient de nous quitter, et il nous manque déjà beaucoup. C’était un
grand poète, trop méconnu – voir ses problèmes avec l’édition – et peut-être un
peu trop rapidement réduit à son expérience spatialiste, qu’il aura d’ailleurs
poursuivie jusqu’au bout, ce qui montre bien que les deux aspects de son œuvre,
expérimentale et plus traditionnelle, sont indissociables. Il ne faudrait pas
oublier non plus les racines de l’Ecole de Rochefort dans les années cinquante,
auxquelles le poète reviendra bien plus tard, avec Loire vivant poème, chronique élaborée au cours d’une
« résidence » au printemps 1998 ; selon la préface :
"Il
s’agit d’une chronique de circonstances comme on dit poésie de circonstances,
je veux dire que ce livre a été écrit dans une province, l’Anjou, pour une
région et un bourg où est née une « école » poétique qui a rallié des
poètes de France, l’école de Rochefort-sur-Loire […]"
Il
est à noter toutefois que Pierre Garnier avait pris une certaine distance avec
sa première manière : c’est ainsi que, dans le premier volume des Œuvres poétiques 1950-1968 paru aux
éditions des Vanneaux en 2008, il l’a d’abord réduite à une anthologie d’une
trentaine de pages, puis il est revenu à la fin du livre sur les poèmes qu’il
avait initialement censurés. La partie centrale du volume, « de 1962 à
1968, regroupe l’intégralité des recueils de poésie, la plupart spatialistes,
les plus chers à l’auteur », selon les mots de l’éditeur. Dès cette époque
la parole est inséparable des pages plus graphiques que Pierre Garnier
commente, par exemple page 185 : « Les lettres, les voici galaxies.
Apparition de courants, de tourbillons, de souffles ». On n’est pas loin
du haut poète Mallarmé.
Pierre
Garnier a cette particularité d’être à la fois révolutionnaire, auteur de
« Manifestes » « pour une poésie nouvelle, visuelle et
phonique », « pour une poésie supranationale », ce qui explique
son rayonnement mondial (du Japon, d’Allemagne, d’Italie, nous viennent des
participants) et en même temps un poète d’une simplicité enfantine, émerveillé
comme Saint-François devant le soleil ou un oiseau. Pierre Garnier était un
fervent défenseur de la nature et des vieilles traditions qui disparaissent – A vécu la mort des bouvreuils,
titrait-il. Cela, il peut le dire avec des mots, comme dans Une mort toujours enceinte, ou avec un dessin minimaliste assorti
d’une légende, par exemple un cercle précisé par un commentaire « Le
dernier pont », dans Le Livre de
Peggie, sa chienne. Certains recueils sont exclusivement graphiques, même à
une date tardive – ainsi Vues de
Marseille, qui date de 1993, qualifiées de « poèmes
spatialistes » - ou associant poèmes et images comme Picardie, une chronique. Pierre Garnier précise d’ailleurs que les « poésies
spatiales » de Vues de Marseille
ont été composées « simultanément aux poèmes de ‘MARSEILLE, UN REPORTAGE’ ».
Enfin il convient de noter, comme dernière caractéristique de l’œuvre de Pierre
Garnier, le dialogue avec les langues, l’allemand bien sûr, Pierre se faisant
publier souvent dans des éditions bilingues franco-allemandes et allant même
jusqu‘à écrire directement en allemand, ainsi dans Der Puppenspieler, mais aussi le picard, avec en particulier El Tére a bètes. Chacune de ces langues
était incarnée par une personne : l’allemand, c’est Ilse, la compagne de
toujours, elle-même poète spatialiste et travaillant en symbiose avec son mari,
et le picard, c’est l’écrivain Ivar Ch’Vavar, qui a aidé Pierre Garnier à
mettre en forme une langue dont il avait presque tout oublié.
Lors
de ce grand colloque international qui aura lieu à l’université François-Rabelais à Tours en octobre 2016, nous aimerions faire dialoguer tous ces
différents aspects de l’œuvre , en faisant intervenir, certes, des spécialistes
de référence comme Jean-Yves Debreuille, mais aussi de nouvelles générations de
chercheurs moins connus, dont on peut espérer qu’ils apporteront des éclairages
encore inédits sur Pierre et Ilse Garnier.
Christine Dupouy
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